Plan de guerre
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Plan de guerre
Un débat méconnu : l’organisation de l’armée de l’Air sur le front du Nord-Est en 1939-1940
Patrick FACON. Article paru dans la Revue historique des armées,
Lorsque, le 3 septembre 1939, débute la Seconde Guerre mondiale, aviateurs et terrestres s’affrontent depuis déjà plus d’un an et demi sur le problème de l’organisation du haut commandement en temps de guerre. L’essentiel du débat qui oppose le général Vuillemin, chef d’état-major général de l’armée de l’Air, au général Gamelin, chef d’état-major général de la défense nationale mais également défenseur des intérêts de l’armée de Terre dans cette affaire, concerne la subordination et la répartition des forces aériennes au cas où un conflit viendrait à éclater en Europe. Tel qu’il a été conçu, le projet soumis aux plus hautes instances politiques par le chef d’état-major général de la défense nationale reviendrait à placer les forces aériennes sous l’autorité du commandement terrestre. A son propos, le général Vuillemin, au comble de l’irritation, précise : « Pour tout ce qui a trait à l’emploi des forces aériennes et à la détermination des moyens aériens affectés aux opérations aériennes et à la défense aérienne du territoire, d’autre part aux théâtres d’opérations terrestres, les dispositions de cette note équivalent à substituer au Comité de guerre […] le commandement terrestre. Cette conception, en ce qui concerne l’armée de l’Air, doit être absolument rejetée. Il est contraire à toute logique que le commandant en chef des armées aériennes, qui porte la responsabilité des opérations aériennes et de la défense aérienne, reçoive en temps de guerre, pour la conduite des opérations, les instructions du commandant en chef des forces terrestres et que ce soit ce dernier qui fixe la répartition des moyens aériens entre les diverses tâches assignées à l’armée de l’Air (1). » Ces quelques remarques révèlent, on le voit bien, le souci du chef d’état-major général de l’armée de l’Air, commandant en chef des forces aériennes désigné en cas de guerre, de préserver l’indépendance opérationnelle de l’aviation. Si un modus vivendi est trouvé six mois plus tard, en pleine crise de Munich, il ne résout pas pour autant les problèmes de fond qui opposent terrestres et aviateurs. En septembre 1938, les deux parties en présence conviennent en effet de placer toutes les forces aériennes affectées à un même théâtre d’opérations sous les ordres d’armées aériennes commandées par des aviateurs ; mais ces dernières sont soumises à une double subordination – terrestre et aérienne – du fait même qu’elles rassemblent des forces aériennes réservées, dépendant du commandement aérien, et des forces aériennes organiques ressortissant au commandement terrestre et sur lesquelles les aviateurs n’ont rien d’autre qu’un pouvoir d’inspection technique. Aussi boiteuse qu’elle soit, une telle solution constitue, au bout du compte, un moindre mal pour l’armée de l’Air, d’autant que le haut commandement terrestre n’est guère disposé à pousser plus avant les concessions. La situation n’en reste pas moins difficile dans le sens où, à la veille des hostilités, la plupart des moyens aériens sont affectés organiquement aux armées terrestres, avec notamment près de 50 % de l’aviation de chasse.
Si le débat de 1938 révèle la profondeur du fossé qui sépare les deux armées en matière d’emploi et de subordination des forces aériennes, mais aussi la passion et la violence qu’engendre le problème au sein de l’institution militaire française, celui qui se produit pendant la « drôle de guerre » marque un recul très net pour l’armée de l’Air, une sorte de renoncement face aux exigences du haut commandement terrestre (2). Fort peu connu, voire même passé sous silence, il mérite d’autant mieux d’être explicité qu’il aboutira à des conséquences à la fois graves et exceptionnelles sur l’emploi de l’aviation pendant les opérations de 1940.
Une organisation viciée
En septembre 1939, l’aviation n’est convertie que partiellement à l’organisation définie en septembre 1938, même si quelques aménagements ont été apportés au système en vigueur depuis 1936. L’état-major aérien et les services du ministère de l’Air n’ont pas voulu aller trop vite en besogne de manière à éviter les problèmes qu’auraient suscités des changements rapides. Une trop grande hâte aurait pu entraîner en effet de graves perturbations dans le plan de mobilisation, fondé sur le système Jauneaud-Féquant, en date de 1936 (3). Même s’ils ont supprimé les corps aériens institués trois ans plus tôt, Guy La Chambre et Vuillemin ne s’en sont pas moins montrés prudents, n’ignorant pas que les nombreuses modifications institutionnelles menées depuis 1933 n’ont guère arrangé une aviation déjà en butte à de grandes difficultés dans tous les domaines.
Dire que l’organisation de l’armée de l’Air, telle qu’elle se présente au commencement des hostilités, souffre de nombreuses et profondes carences relève du truisme. Par une extraordinaire répétition de l’histoire – alors que le ministère de l’Air est censé constituer un organe unificateur –, Vuillemin, aussitôt qu’il devient commandant en chef des forces aériennes, se retrouve dans une situation comparable à celle des chefs du Service aéronautique du Grand Quartier général de 1914- 1918. Il ne possède en effet d’autorité que sur la zone des armées, tandis qu’un état-major général, placé auprès du ministre, prend à son compte les problèmes de matériel, les fabrications, les écoles, l’instruction et le recrutement. La dualité entre l’avant et l’arrière sera à l’origine d’un conflit d’attributions permanent entre les parties concernées. « La scission entre l’avant et l’arrière, explique le général Mouchard, était ainsi rétablie et les conséquences d’un tel état de choses furent extrêmement graves. Le commandant des forces aériennes se trouve […] dans la situation suivante. Il n’a plus d’action directe sur la création et l’entretien d’une armée de l’Air plus forte en quantité et en qualité, sur le recrutement du personnel, sa formation, son instruction, sur sa constitution en matériel nouveau, sur l’infrastructure, sur les services, puisqu’ils sont pratiquement entre les mains du ministre et d’un état-major de l’armée de l’Air de l’intérieur, sans aucune subordination au général commandant en chef. Il s’est par ailleurs laissé déposséder d’une partie de ses attributions en matière de défense aérienne. Il dispose cependant d’un état-major pléthorique d’environ 250 officiers, placé sous les ordres d’un major général. Cet état-major cherche à déployer son activité et cette activité se traduit par des conflits d’attribution, des dépenses considérables en personnel d’états-majors et de services, ayant comme résultat évident de créer des doubles emplois, des échanges de correspondance et des difficultés continuelles dans l’exercice du commandement (4). » [b]
Services historiques de la défense
A suivre
Amitiés
Patrick FACON. Article paru dans la Revue historique des armées,
Lorsque, le 3 septembre 1939, débute la Seconde Guerre mondiale, aviateurs et terrestres s’affrontent depuis déjà plus d’un an et demi sur le problème de l’organisation du haut commandement en temps de guerre. L’essentiel du débat qui oppose le général Vuillemin, chef d’état-major général de l’armée de l’Air, au général Gamelin, chef d’état-major général de la défense nationale mais également défenseur des intérêts de l’armée de Terre dans cette affaire, concerne la subordination et la répartition des forces aériennes au cas où un conflit viendrait à éclater en Europe. Tel qu’il a été conçu, le projet soumis aux plus hautes instances politiques par le chef d’état-major général de la défense nationale reviendrait à placer les forces aériennes sous l’autorité du commandement terrestre. A son propos, le général Vuillemin, au comble de l’irritation, précise : « Pour tout ce qui a trait à l’emploi des forces aériennes et à la détermination des moyens aériens affectés aux opérations aériennes et à la défense aérienne du territoire, d’autre part aux théâtres d’opérations terrestres, les dispositions de cette note équivalent à substituer au Comité de guerre […] le commandement terrestre. Cette conception, en ce qui concerne l’armée de l’Air, doit être absolument rejetée. Il est contraire à toute logique que le commandant en chef des armées aériennes, qui porte la responsabilité des opérations aériennes et de la défense aérienne, reçoive en temps de guerre, pour la conduite des opérations, les instructions du commandant en chef des forces terrestres et que ce soit ce dernier qui fixe la répartition des moyens aériens entre les diverses tâches assignées à l’armée de l’Air (1). » Ces quelques remarques révèlent, on le voit bien, le souci du chef d’état-major général de l’armée de l’Air, commandant en chef des forces aériennes désigné en cas de guerre, de préserver l’indépendance opérationnelle de l’aviation. Si un modus vivendi est trouvé six mois plus tard, en pleine crise de Munich, il ne résout pas pour autant les problèmes de fond qui opposent terrestres et aviateurs. En septembre 1938, les deux parties en présence conviennent en effet de placer toutes les forces aériennes affectées à un même théâtre d’opérations sous les ordres d’armées aériennes commandées par des aviateurs ; mais ces dernières sont soumises à une double subordination – terrestre et aérienne – du fait même qu’elles rassemblent des forces aériennes réservées, dépendant du commandement aérien, et des forces aériennes organiques ressortissant au commandement terrestre et sur lesquelles les aviateurs n’ont rien d’autre qu’un pouvoir d’inspection technique. Aussi boiteuse qu’elle soit, une telle solution constitue, au bout du compte, un moindre mal pour l’armée de l’Air, d’autant que le haut commandement terrestre n’est guère disposé à pousser plus avant les concessions. La situation n’en reste pas moins difficile dans le sens où, à la veille des hostilités, la plupart des moyens aériens sont affectés organiquement aux armées terrestres, avec notamment près de 50 % de l’aviation de chasse.
Si le débat de 1938 révèle la profondeur du fossé qui sépare les deux armées en matière d’emploi et de subordination des forces aériennes, mais aussi la passion et la violence qu’engendre le problème au sein de l’institution militaire française, celui qui se produit pendant la « drôle de guerre » marque un recul très net pour l’armée de l’Air, une sorte de renoncement face aux exigences du haut commandement terrestre (2). Fort peu connu, voire même passé sous silence, il mérite d’autant mieux d’être explicité qu’il aboutira à des conséquences à la fois graves et exceptionnelles sur l’emploi de l’aviation pendant les opérations de 1940.
Une organisation viciée
En septembre 1939, l’aviation n’est convertie que partiellement à l’organisation définie en septembre 1938, même si quelques aménagements ont été apportés au système en vigueur depuis 1936. L’état-major aérien et les services du ministère de l’Air n’ont pas voulu aller trop vite en besogne de manière à éviter les problèmes qu’auraient suscités des changements rapides. Une trop grande hâte aurait pu entraîner en effet de graves perturbations dans le plan de mobilisation, fondé sur le système Jauneaud-Féquant, en date de 1936 (3). Même s’ils ont supprimé les corps aériens institués trois ans plus tôt, Guy La Chambre et Vuillemin ne s’en sont pas moins montrés prudents, n’ignorant pas que les nombreuses modifications institutionnelles menées depuis 1933 n’ont guère arrangé une aviation déjà en butte à de grandes difficultés dans tous les domaines.
Dire que l’organisation de l’armée de l’Air, telle qu’elle se présente au commencement des hostilités, souffre de nombreuses et profondes carences relève du truisme. Par une extraordinaire répétition de l’histoire – alors que le ministère de l’Air est censé constituer un organe unificateur –, Vuillemin, aussitôt qu’il devient commandant en chef des forces aériennes, se retrouve dans une situation comparable à celle des chefs du Service aéronautique du Grand Quartier général de 1914- 1918. Il ne possède en effet d’autorité que sur la zone des armées, tandis qu’un état-major général, placé auprès du ministre, prend à son compte les problèmes de matériel, les fabrications, les écoles, l’instruction et le recrutement. La dualité entre l’avant et l’arrière sera à l’origine d’un conflit d’attributions permanent entre les parties concernées. « La scission entre l’avant et l’arrière, explique le général Mouchard, était ainsi rétablie et les conséquences d’un tel état de choses furent extrêmement graves. Le commandant des forces aériennes se trouve […] dans la situation suivante. Il n’a plus d’action directe sur la création et l’entretien d’une armée de l’Air plus forte en quantité et en qualité, sur le recrutement du personnel, sa formation, son instruction, sur sa constitution en matériel nouveau, sur l’infrastructure, sur les services, puisqu’ils sont pratiquement entre les mains du ministre et d’un état-major de l’armée de l’Air de l’intérieur, sans aucune subordination au général commandant en chef. Il s’est par ailleurs laissé déposséder d’une partie de ses attributions en matière de défense aérienne. Il dispose cependant d’un état-major pléthorique d’environ 250 officiers, placé sous les ordres d’un major général. Cet état-major cherche à déployer son activité et cette activité se traduit par des conflits d’attribution, des dépenses considérables en personnel d’états-majors et de services, ayant comme résultat évident de créer des doubles emplois, des échanges de correspondance et des difficultés continuelles dans l’exercice du commandement (4). » [b]
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