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TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

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Europe TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:34

J'avais été rappelé à Givet, le 26 août 1939, au 42° R.A.D.T. de la 3ème D.I.M.
Comme réservistes, nous étions appelé à boucher les espaces vides dans ce régiment d'active, qui s'équipait pour le temps de guerre, sans tenir compte de la formation spécialisée reçue durant nos deux années d'active.
Je fus affecté à la colonne de ravitaillement du 42°, à Rocroi.
En septembre, je suis recherché comme radio, par le Lieutenant-Colonel MORILLE, commandant le 42° R.A.D.T.
Il me trouve au milieu d'une grange où je cantonnais, à Bazincourt près de Ligny-en-Barrois.
J'avais fait une demande officielle, en réponse au recrutement de rodios effectué par l'Aviation Française de Bombardement.
Il vint me demander pourquoi j'avais répondu à cet appel.
Je lui répondis que pendant mes deux années de service militaire, j'avais été radio au 42° de LAON, et qu'après un coucours des meilleurs radios du régiment, j'avais été envoyé travailler avec les avions, comme radio et pendant 3 semaines au terrain d'aviation de Reims.
Il me répondit : "Au premier voyage que vous ferez au dessus de l'Allemagne dans un bombardier, vous serez descendu".
En mettant en pièces sur le foin de la grange, le papier de la demande, il prit sa décision ...
"Moi j'ai besoin de vous comme radio. Je vais vous fournir une chenillette P-107 avec un chauffeur et deux radios. Tenez vous prêt, dès aujourd'hui, vous êtes à ma disposition".
Et rapidement, je fus affecté à l'état-major du 3° Groupe d'artillerie du 42, avec le Commandant MATHON. Et ce groupe d'artillerie accompagnait l'infanterie du 67°, dans l'essentiel de ses actions militaires de guerre.

JEUDI 9 MAI

Je pars de mon cantonnement, près de Sermaize, pour aller, avec ma chenillette et mon poste de radio, à 25 km de là, au camp de Mailly, où devait se réaliser, durant 8 jours, devant le Général Georges, du G.Q.G., adjoint au Général Gamelin, et avec nombreux Généraux des char, de l'artillerie et de l'infanterie, une grande manoeuvre où, pour la première fois on devait présenter au travail, ce que l'on appelait alors un AUTO-GIRE.
Cet engin portait, son pilote, un officier-observateur, un radio et un chiffreur.
A l'altitude de 100 m, dans le ciel, il devait diriger une attaque fictive, d'une batterie de 75 du camp bleu, contre une même organisation d'un camp rouge. Cet avion était le seul spécimen français qui devait concurrencer le coucou allemand. Ce premier-né sera un espoir déçu.
Le Colonel MORILLE qui partait à cette présentation, s'était souvenu de mes stages dans l'aviation. Il m'avait confié les relations-radio entre l'auto-gire et les officiers supérieurs commandant les troupes engagées dans la manoeuvre...
Notre auto-gire, au dessus du camp de Mailly, n'ayant pas à se méfier, ni d'une D.C.A. ni de l'aviation allemande, fit merveille.

VENDREDI 10 MAI

Ce 10 mai, très tôt, nous apprenons l'attaque et les bombardements de la Hollande et de la Belgique, par l'aviation allemande, et simultanément , chez nous, la destruction massive de notre aviation, au sol ...
Alors, au Camp de Mailly, cessation immédiate des expériences avec l'auto-gire. Je rentre à Sermaize, pour constater les résultats des bombardements massifs effectués sur notre aviation restée au sol, particulièrement dans Vitry-le-François, et sur toutes les voies ferrées de la région où notre 3 ème Division cantonnait.
Dans les émissions de radio, en Français et sur nos longueurs d'ondes, le "traitre de Stuttgart" nous disait toujours, avec mépris, mais avec exactitude où étaient nos cantonnements.

DIMANCHE 12 MAI

C'est la fête de la Pentecôte. Nos préparatifs de départ de toute la Division sont vite faits.
Dans la nuit du 12 au 13 mai, ce lundi de la Pentecôte, je pars pour les Ardennes. Je laisse ma chenillette partir dans la colonne de marche du 3° Groupe d'Artillerie.
Je suis destiné, avec d'autres célibataires, à partir au danger, à un observatoire avancé d'artillerie, à STONNE. Je monte dans le command-car du Lieutenant-Observateur, avec mon poste radio et deux hommes.
Nous devons arriver, au plus vite à STONNE, pour y installer notre poste-observatoire avancé. Nous ne restons pas dans la file de notre Groupe d'artillerie. Nous dépassons les derniers éléments du 67° R.I.M. qui utilisent les camions d'une organisation militaire de transport qui doit les acheminer, mais les débarquer à 20 km des lieux de combat. Curieusement en effet dans notre Division motorisée et moderne seuls les trois régiment d'infanterie ne sont pas motorisés dans des véhicules leur appartenant. Cette colonne de camions roulant lentement dans la nuit, nous la dépassons, et ainsi jusqu'aux Ardennes.
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:35

LUNDI 13 MAI

Au lever du jour, nous sommes déjà arrivés à VOUZIERS.
Mais, à partir de là, et venant à contre-courant, commence l'arrivée massive des civils qui ont évacué la Belgique, le Luxembourg, SEDAN et les villages que notre Division va occuper pour le combat.
Quantité de soldats épuisés, sans arme, ceux des Divisions qui combattaient depuis trois jours à la frontière, nous croisent aussi. Ils tentent de nous démoraliser. Ils sont encore effrayés de la puissance des bombardements d'avions qu'ils ont subis, et des charges des divisions de blindés qui les ont basculés vers la retraite. On voit qu'ils ont beaucoup souffert.
Nous arrivons à BUZANCY, où l'état-major de la IIème ARMEE est déjà installé.
Dans la forêt toute proche, nous trouvons les premiers éléments de la colonne du 67° qui débarquent des camions. Il leur reste 20 km à parcourir à pied pour aller s'installer, leur a-t-on dit, entre SEDAN et STONNE, sur le plateau de BULSON ...
Vers 8 heures, ce 13 mai, les Stukas viennent bombarder ces premiers éléments du 67, en plein débarquement. Nous sommes au milieu d'eux.
Les camions qui ont débarqués doivent repartir jusque dans l'Aube chercher d'autres régiments. Les camions qui ne sont pas détruits, ont du mal à faire demi-tour et à chevaucher les trous de bombes et les bosses de cette petite route, maintenant défoncée.
On s'occupe des blessés. Je vois un de mes amis du 67 qui part en ambulance.
Notre command-car passe sans difficulté, il est tout-terrain. Nous atteignons OCHES, puis nous allons vers LA BERLIERE, où s'installeront les batteries de notre 3° Groupe. Dans le château, se trouve l'Etat-Major de la 71° Division qui combat encore à SEDAN. Des restes de cette division refluent par ce chemin étroit où nous arrivons. Nous garons dans le bois, pour nous orienter à pied, notre command-car. Nous devons vérifier si notre approche de STONNE est possible.
Un autre command-car se range auprès du nôtre. C'est mon ancien Colonel Thomas du 242° R.A.L. de Laon, et son capitaine-adjoint. Je les ai connus durant mes deux années d'active. Eux aussi viennent à pied pour escalader la colline rocheuse et repérer le village de SY autour duquel presque toute notre artillerie, celle du 42 et du 242, trouvera ses positions de batterie
Mais les Stukas ont repéré les régiments qui décrochent de SEDAN et qui passent sur la route. Deuxième plat ventre de la matinée, si on pouvait s'enfoncer dans la roche de cette colline, on le ferait. Quelques minutes de bombardement paraissent durer un siècle. Notre petit groupe se relève, nous sommes étonnés qu'il n'y ait aucun blessé, parmi nous.
Nous allons reprendre notre voiture, elle aussi indemne, pour grimper, jusqu'à STONNE.
Mes trois premiers jours de guerre se passeront, à STONNE.
Il est 10 heures, environ. Notre Lieutenant-observateur évite d'aller s'installer dans le clocher de l'église. Nous cherchons le lieu le plus élevé sur la butte qui domine STONNE. Nous sommes à la côte 336.
Nous cherchons le lieu le mieux dégagé qui favorisera l'observation. Nous sommes plus haut placés que le coq de l'église, à notre droite.
Le temps est merveilleusement beau et clair jusqu'au bout de l'horizon. Au milieu des buissons épineux, nous cherchons ceux qui nous camoufleront le mieux aux regards de l'ennemi.
Nous dominons absolument tout le plateau de BULSON. Nous avons, à gauche, le bois du Mont-Dieu et le canal des Ardennes jusqu'à son débouché dans la Meuse. A notre droite est le village de STONNE, et au loin la partie est de la Meuse vers STENAY. Enfin, à 20 km en face, la ville de SEDAN. Nous sommes dans un site d'observation incomparable.
Et que s'est-il donc passé, depuis le 10 mai ?
Tout au fond, en face de nous, les divisions française gardaient la frontière belge, à 14 km au nord de SEDAN. Elles ont subi l'attaque massive des armées conventionnelles allemandes, celle qui sont chargées de conquérir SEDAN et d'y aménager une tête de pont solide.
Nos soldat de la frontière, agés de 41 ans, ont bien combattu, mais des avions ennemis, innombrables et qui sont maîtres du ciel, les ont obligés à abandonner la rive droite de la Meuse. Dans SEDAN, la ville est tombée en ruines au dessus d'eux. Elle est sur la rive droite de la Meuse.
A midi, au moment où nous arrivons, le premier spectacle effrayant c'et le bombardement allemand des emplacements de combat qu'ils ont soigneusement repérés. Les 71° et 55° Division françaises se mettent à l'abri. Mais ce bombardement va durer trois heures. Il est opéré par 600 bombardiers, dont 120 Stukas, et 500 avions de chasse qui attaque tout ce qui bouge. Trois heures de suite, les soldats français sont écrasés dans leurs abris, aucun d'eux ne peut quitter les lieux où ils se sont abrités, ni mettre le nez dehors.
Durant ces trois heures, des centaines de canots pneumatiques chargés de troupes, traversent la Meuse. Des radeaux acheminent à travers la Meuse quantités de chars légers. Le Génie a commencé la construction de trois ponts, un en amont de SEDAN, l'autre en aval, et le plus important entre DONCHERY et PONT-SUR-BAR, à 8 km à l'ouest de SEDAN ...
Les deux divisions françaises qui n'étaient pas dans SEDAN, se retirent en combattant jusqu'à 10 kilomètres au sud de SEDAN.
Quand nous avions croisé tant de débris de l'Armée Française nous pensions que rien ne se passait plus entre SEDAN et STONNE.
Mais, de notre observatoire, nous allons jusqu'au soir, et deux jours encore, voir la défense française aller constamment au combat. En face, des forces blindées en quantités inimaginables, sur cette rive droite de la Meuse, se préparent à passer. Ils parachèvent la construction de leurs ponts.
Nous voyons, à la binoculaire, que les troupes allemandes qui sont sur la tête de pont préparent fiévreusement quelque chose, mais nous ne comprenons pas encore quoi ...
L'ennemi, depuis 11 heures ce matin, a déjà pu conquérir au sud de SEDAN, un espace de 6 km de largeur sur 3 km de profondeur, jusqu'à la butte de BULSON, sur notre gauche avec des troupes ordinaires.
Des nuages de poussières multiples, s'élevant sous les chenilles des chars, montent haut sur ce panorama ...
Plus tard, en fin d'après-midi, les lignes allemandes se sont avancées à 13 km de SEDAN.
Le P.C. du Général BAUDET, de la 71° Division, est à RAUCOURT, à 6 km de nous. MAis il doit vite quitter RAUCOURT et se replier à la BERLIERE.
Le 5° Groupe de 155 Court de la 71° D.I. se déplace autour de RAUCOURT et s'oppose au maximum aux blindés qui sont chargés de préparer l'arriver des Panzers-Divisions de GUDERIAN. Après un long combat, il détruit ses munitions et abandonne tout le matériel détruit. Ses canonniers partent à pied vers STONNE ...
A al nuit tombante de ce jour, les combat continuent. A 10 heures du soir, un canon de 88 allemand, en deux tirs tendus, met des obus incendiaires dans le clocher de l'église de STONNE, si proche de nous. Le clocher prend feu et s'écroule en feu sur la nef de l'église.
Le Lieutenant nous regarde, sans rien dire, mais pensant sûrement : "voyez, si nous nous étions mis dans le clocher, ce que nous serions devenus."
Dans les lueurs de cet incendie, nous voyons les artilleurs du 5° Groupe de 155 de la 71° D.I. passer à pied dans STONNE. Ces soldats, comme tous ceux qui tentèrent de protéger SEDAN, comme leurs officiers, étaient tous des réservistes rappelés, d'environ 41 ans.
Durant la drôle de guerre, on les appelait : les vieux crocodiles. Tout l'après-midi, et encore toute la nuit du 13 au 14 mai, j'ai essayé d'appeler, à la radio, mon Groupe d'artillerie... Aucune réponse. Pourtant si les batterie avaient été installées, quel carnage aurait été ppéré sur ces installations.
Il est maintenant évident que nos Régiments d'Infanterie ou d'Artillerie, ne pourront plus s'installer entre STONNE et SEDAN aux lieux prévus ce soir-même par les décisions de l'Etat-Major de la 3ème D.I.M.
Toute la nuit, j'essaye encore d'appeler notre 3° Groupe d'Artillerie... Mais en vain...
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:35

MARDI 14 MAI

D'abord, c'est la grande bataille aérienne au dessus de SEDAN.
...Dès 5 heures du matin, pendant que les troupes allemandes passent les trois ponts auprès de SEDAN, des avions français, de 5 heures à 17 heures, puis des avions anglais, de 17 heures à minuit, tentent de perturber le passage des ponts de la MEUSE, ou de détruire ces ponts. L'aviation alliée mène 27 attaques comprenant de 10 à 20 avions chacune. Quand la très nombreuse défense antiaérienne allemande interdit l'approche de SEDAN, la petite quantité d'avion alliés facilite la tâche de cette artillerie anti-aérienne surpuissante.
Au contraire, quand les canons, à terre se taisent lorsque des nuées de chasseurs Messerschmitt attaquent, nos avions se révélent plus performants que la chasse allemande...
Dès l'aube de cette journée du 14 mai, j'ai enfin l'Etat-Major du 3° Groupe d'Artillerie du 42, qui répond à mon appel. Alors l'observateur va envoyer message sur message, son dossier d'observation est abondant, bien fourni en cibles possibles.
La portée de nos canons est insuffisante pour atteindre des ponts de SEDAN, ou surtout les plaines au nord de SEDAN qui grouillent des unités de Panzers qui attendent leur tour pour passer la Meuse.
Le jour se lève, avec un temps aussi beau que la veille.
Les messages que j'ai envoyés, sont bien arrivés, j'en ai reçu accusé de réception.
Comment se fait-il que pas un seul coup de canon ne sera tiré, jusqu'à 14 heures ? Que se passe-t-il donc ? Le Lieutenant-observateur s'énerve.
En attendant une réponse à cette question, nous regardons en face...
On voit bientôt les char allemands, venir s'installer dans et autour de RAUCOURT, dans les bois. Ils utilisent les carcasses des canons français et le matériel des trois batteries de 155 sautés. Ils s'en font un barrage protecteur, au cas d'un contre-attaque française...
Nous n'en sommes encore qu'à la moitié de cette journée du 14 mai. Vers 13 heures, c'est le Commandant Mathon qui arrive en personne, à l'observatoire avancé d'artillerie, en moto.
Il a deviné qu'il y avait un malentendu entre ordres de tir demandés par notre observateur, et les responsables des batteries des 42 et 242. Les cause c'était le fait que, sur les indications du Q.G. des Petites Armoises, les artilleurs avaient marqué sur leurs cartes les villages où devaient s'installe, sur le plateau de Bulson, les trois régiments de notre division. Et selon eux, les tirs demandés par l'observateur devaient tomber sur nos amis de l'infanterie. Quand le Commandant est monté à STONNE, il a bien vu qu'en bas, dans les villages, il n'y avait que des Allemands.
Alors, ce qui n'a pas dû arriver souvent, c'est le Commandant lui-même, qui va diriger, de son observatoire, le tir de ses 12 canons de 75. Enfin, les messages qui passent de mon poste-radio vers l'Etat-Major du 3° Groupe, sont immédiatement suivis d'un bombardement foudroyant, sur des Panzer légers.
Et le Commandant redescend de STONNE (après avoir noté des cibles encore possibles) assis sur le tan-sad de son estafette jusqu'au Bois du Fay où, à ce moment, était installé son P.C. du 3° Groupe.
Peu de temps après son départ, des tir de plusieurs batteries détruisent complètement, des blindés allemands, cantonnés à MAISONCELLE.

(Un allemand des Panzers légers de RAUCOURT, que j'ai rencontré après guerre à STONNE, m'a dit qu'il était cet après-midi là au milieu du bombardement par nos 75, à l'instant du ravitallement de ses chars. Il m'a dit quel effroi fut le sien en constatant la précision, la rapidité des tirs et leur puissance de destruction. Et comment les incendies, à cause de l'essence, surgissaient de partout. Ils se savaient en terrain conquis, sans coup férir. Ils ne seméfiaient pas qu'on put les voir si bien des hauteurs, au-dessus de STONNE. Ils durent faire appel à une autre Compagnie, des Panzers IV, pour assurer à leur place l'attaque du lendemain, à l'aurore.
Il m'expliqué aussi comment les éléments détruits de la 10° Panzer, comme ceux du GROSSDEUTSCHLAND étaient en priorité remplacés, matériels et hommes, en allant chercher à SEDAN près de la masse des hommes et des engins qui passaient, arrivant d'Allemagne. C'est pourquoi, malgré leurs lourdes pertes des 14, 15 et 16 mai, ils s'étaient quotidiennement parfaitement reconstitués. Dans la nuit du 16 au 17 mai ils repartirent en parfait état vers MONTCORNET et GUISE. Pendant les trois jours qu'ils passèrent auprès de nous, STONNE avait changé 17 fois de mains. Sur 90 chars, ils en eurent 60 détruits, en plus du grand nombre de blessés et de morts laissés à RAUCOURT et à MAISONCELLE (540 hommes tués). Pour la première fois, écrira l'un des gradés de ce Régiment, et contrairement aux prévisions, nous sommes arrêtés par l'ennemi, quoi que nous ayons mis en oeuvre tous nos moyens. A STONNE, 24 carcasses de leurs chars de la 10° Panzer restèrent dans les ruines du village, tenant compagnie à 33 carcasses de chars français.)

Avant 16 heures, changement inespéré, au-dessus de STONNE. Nous voyons apparaître, sur toute la ligne des crêtes, entre la forêt du MONT-DIEU et le MONT-DAMION, 75 chars légers Hotchkiss de la 3ème D.C.R.
Ils se sont installés, comme pour une revue du 14 juillet, les canons orientés vers SEDAN.
Il sont en plein découvert, un char tous les 50 mètres, et sur 4 kilomètres. Quelle chance, les coucous des Panzer sont partis accompagner toutes les colonnes des Panzerdivisions vers l'ouest...
Nos chars lourds de 32 tonnes, les B1 bis, s'installent en retrait dans les villages où sont nos troupe de la 3° Division.
Cette vue nous redonne à tous chaud au coeur.
Mais quelle déception, après 19 heures, tous ces chars, montés vers STONNE, repartent d'où ils sont venus ! Cette présentation spectaculaire était-elle une mise en scène ?
Heureusement dès le lendemain après-midi, les chars de cette 3° D.C.R. combattent valeureusement avec nous. Mais, en 5 jours, pour notre défense sous les attaques ennemies, ils auront perdu la moitié de leur matériel, et beaucoup d'hommes. Le 19 mai ils partiront se reconstituer autour de SAVIGNY-SUR-AISNE. Trois jours de vrais combats, pour des chars, c'est usant ...
Ce même jour, du 14 mai 1940, après 19 heures, nous fignolons nos abris creusés depuis la veille. Nous perfectionnons surtout le camouflage de l'observatoire et de l'antenne du poste-radio.
Nous sommes placé, depuis deux jours au milieu de buissons épineux, quelques rares arbres jusqu'au bas de la descente sur le plateau de BULSON. Mais notre vue vers le nord est parfaitement dégagée.
A la tombée de la nuit, après 22 heures, il y a des combats qui reprennent au dessous de nous... Les allemands sortent de leurs engins pour donner la chasse à pied. Des automitrailleuses du 6° G.R.D.I. sont de la partie pendant deux heures. On ne retrouvera que les cadavres des Français, dans le terrain labouré par les chenilles des Panzers ou les roues des automitrailleuses... Puis un étrange silence se fit sur tout le plateau entre SEDAN et nous, soudain interrompu par l'arrivée des fantassins du 67°, ier Btn. Ils s'échelonnent, en contre-bas de nous sur toute la pente abrupte avec leurs mitrailleuses et quelques canons antichars, jusqu'au contact avec le G.R.D.I. qui a gardé SEDAN jusqu'au pied de STONNE.
Nous entendons les fantassins se communiquer l'ordre d'attaque contre l'ennemi : ce sera à l'aube de demain, mercredi 15 mai.
Je ne dormirai pas encore cette troisième nuit... Du P.C. du 3° Groupe d'Artillerie, je reçois, en morse, comme des interrogations de Police, sur les noms, prénom, dates de naissance ou mariage de mes parents, puis des familles de ceux qui sont près de moi. En morse, je réponds exactement aux questions posées, sans plus.
Je ne saurai que le lendemain, en rentrant à l'Etat-Major du Groupe, qu'on nous croyait, avec mon poste et l'officier-observateur, déjà faits prisonniers des allemands, et que ceux-ci nous obligeaient, par la force, de demander des tirs sur les positions françaises.
Les copains d'en bas, au P.C., avaient dû lire des romans d'espionnage, pour se désennuyer, durant la drôle de guerre...
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:36

MERCREDI 15 MAI

J'ai déjà repris, avant l'aube, la transcription des messages du Lieutenant-observataur, qui voit les préparatifs d'attaque allemande dans les villages d'en-dessous de nous. Nous étions persuadés qu'elle se déclencherait avant celle prévue pour le 67°.
Tout-à-coup, en passant de notre trou-radio à celui de l'observateur, j'aperçois, à 50 mètres derrière nous, un grand char allemand, un Panzer IV, avec son canon de 75 mm sous tourelle, et ses deux mitrailleuses.
Je fais signe au lieutenant, qui se blottit dans son trou. En cette fin de nuit, ce char était en terrain conquis. Il avait gravi la pente du Mont-Dieu, sur notre gauche, précédant l'offensive de l'infanterie.
A bord de ce genre de char, Panzer III et Panzer IV, il y a cinq hommes. Orientée vers STONNE, l'attention de ces hommes est attirée sur la rue de STONNE qui passe devant l'église incendiée, au moment où y arrive toute une colonne bien tassée de side-cars du 6° G.R.D.I. qui a décroché dès le commencement de l'attaque allemande, au bas de cette rue.
Aussitôt, le char, avec ses 20 tonnes s'oriente vers cette rue pour prendre en enfilade cette colonne française, qui roule 150 mètres plus bas. Il tire de son canon de 75 et de ses mitrailleuses. De notre poste, nous voyons tout le début de cette colonne de motards, avec leurs chauffeurs couchés morts sur le guidon de leur side-car, et leurs mitrailleurs sont affalés, mort aussi au fond de leurs coquilles des side-cars.
L'offensive allemande avait fait remonter les soldats du 67° installés la veille au dessous de nous.
Subitement, j'entends les mitrailleuses du 67° tirer de derrière nous et elles ont pris position à l'orée du bois, où est planqué notre command-car. Les fantassins allemands les ont suivis à travers les buissons épineux et bientôt s'installe le combat meurtrier des tirs croisés entre les deux infanteries.
L'observateur n'a pas conscience du danger qui nous menace, tout occupé qu'il est de son travail d'observateur, sur ce qui se passe au loin.
Je viens lui dire que, sans nous prévenir, les lignes françaises ont reculé derrière nous, tandis que l'infanterie allemande monte vers nous.
Le Lieutenant nous donne l'ordre de plier bagage et de rejoindre le commande-car dans la forêt.
Démontage qui s'accomplit si vite que, jamais je pense, dans les exercices de décrochage suivants, notre record du jour ne sera battu.
Sous les feux croisés des mitrailleuses, le Maréchal-des-Logis MARTIN, de ROUEN, qui aide le Lieutenant à porter ses bagages et sa lunette, est gravement blessé et porté jusqu'au command-car.
Moi, je ne puis rejoindre la voiture, contraint par le mitraillage croissant, de prendre à pied, avec mon poste-radio la direction de STONNE.
A cause d'une bosse de terrain, c'est un peu protégé des mitrailleuses. Les abords de STONNE sont pleins de cadavres, je vois de tout près les soldats du G.R.D.I. morts dans leurs side-car, et beaucoup de matériel militaire détruit autour de l'église ruinée.
J'évite d'aller plus loin dans STONNE, fais demi-tour et m'engage sur la route qui mène aux GRANDES-ARMOISES, avançant cependant dans le seul fossé, au bord gauche de la route. Je ne puis ramper facilement dans ce creux protecteur à cause de l'emcombrement de mon poste-radio.
Les allemands qui progressent lentement, en montant la rue, tirent sur moi. Les plus dangereux sont ceux qui occupent déjà le sommet du PAIN DE SUCRE. Un avertissement, sans frais, me parvient d'un de ces bon tireurs... à quelque centimètres de mon visage, une balle allemande se plante dans un poteau téléphonique, à l'instant précis où je passe tout contre ce poteau. Quelques dizaines de mètres plus loin, un officier français, de haute taille surgit devant moi. C'est le Commandant PIGALLE du 1er Bataillon du 67°. Après quelques mots sur le peu que j'ai vu à l'entrée de STONNE, il espère me faire transmettre un message urgent à l'artillerie grâce à mon poste-radio. Mais je lui dis que la magnéto et l'antenne de mon poste sont parties dans une autre direction.
Il m'ordonne de planquer mon poste dans les blés, il veillera sur lui, et de courir au plus vite jusqu'au bas de la côte, j'y trouverai le P.C. du Colonel DUPRET, du 67°.
Dans un marathon de 4 kilomètres, je suis chargé de porter au plus vite l'ordre oral de déclencher immédiatement les tirs d'artillerie sur STONNE, où l'ennemi s'installe.
A mon arrivée au P.C., c'est le Commandant MARTHON qui me reçoit. Il a tout de suite l'accord du Colonel DUPRET pour le tir demandé.
Et bientôt le tonnerre des 12 canons du groupe situé très près, au sud-ouest de la BERLIERE atteste que le message du Commandant PIGALLE est bien arrivé. Et bientôt les autres canons des 42° et 242° se joignent pour pilonner STONNE.

Mon Commandant me fait ramener en moto par son estafette au BOIS-DU-FAY, où se trouve le P.C. de l'état-major de mon 3° Groupe d'Artillerie du 42°. J'apprècie la beauté et le calme de cette forêt, c'est la pointe sud de la forêt du MONT-DIEU.
Il y a 82 heures que je n'ai pas mangé, je commence cela. Il y a trois nuits que je n'ai pas fermé l'oeil, je m'allonge sur la mousse et je vais dormir tant que je ne vais rien entendre de la violence des combats qui se livrent à STONNE. Mes trois premiers jours de guerre à STONNE se sont bien noyés dans un sommeil profond. Le capitaine-adjoint donne l'ordre aux copains de me laisser dormir.
A 9 heures, j'avais fait jaillir comme une préparation d'artillerie. A 10 heures les grands chars de 32 tonnes de la 3 ème D.C.R. précèdèrent les 67 et 51° d'infanterie qui attaquèrent STONNE et qui en chassèrent l'ennemi.
A midi, le Régiment allemand, après un sévère bombardement de 3 escadrilles de Stukas, réattaquera sur STONNE, les Français décrochèrent à midi 30 minutes.
A 15h30, les Chars B1 bis attaquent à nouveau avec le 67° et le soir quand les chars sont repartis se ravitailler en essence et en munitions, on laissera les allemands se réinstaller dans le village.
Voyer, pendant que de 10 heures à 20 heures je dormais, STONNE fut prise et reprise cinq fois. On m'a dit, au réveil, que ce fut le Colonel Buisson qui commandait les régiments d'infanterie, allant à pied avec les combattants.
C'est lui qui nous dit : "Dans STONNE, on s'y tire à la grenade, on s'y égorge à la baïonnette, ou au couteau".
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:36

JEUDI 16 MAI

Ce quatrième jour, je ne suis plus à STONNE, mais plus loin.
Au réveil, j'apprends que l'état-major de mon 3° Groupe du 42 quitte le BOIS-DU-FAY, pour aller s'installer au nord du village de SY, avec les trois batteries du groupe qui sont implantées depuis le 13 mai au sud-ouest de LA BERLIERE. Le groupe réuni va occuper, dès le 18 mai au nord de SY, des positions de tir qui vont lui permettre de couvrir un plus large secteur du champ de bataille.
Je reste sur place, au BOIS-DE-FAY, car c'est le P.C. du 67° d'Infanterie qui va venir s'installer, plus confortablement que là où je l'ai rencontré la première fois, au bas de la côte de STONNE, aux GRANDES-ARMOISES. Mon Colonel du 42° me laisse auprès du Colonel DUPRET du 67° pour assurer les transmissions radio entre toute l'artillerie et toute l'infanterie, pour moi c'est un autre style d'observation : celui des relations humaines.
C'est ce matin là que je fais connaissance avec un officier de police. Il avait été envoyé entre STONNE et SEDAN, dès le 10 mai, pour enquêter sur les officiers de tous grades qui avaient abandonné leurs troupes, pour s'enfuir et tout simplement rentrer chez eux.
Il va maintenant rester au P.C. du 67° pour interroger les nombreux prisonniers qui nous seront envoyés des premières lignes où nos trois régiments d'Infanterie combattent. Il parle parfaitement la langue allemande.
Le Commandant PIGALLE m'a fait remettre mon poste-radio par l'estafette-moto du Commandant MATHON.
Pendant que le P.C. du 67° s'installe, je m'exerce avec mon poste radio, émetteur-recepteur. Et voilà que par hasard j'accroche la longueur d'onde d'émission du coucou d'aujourd'hui qui nous survole au ras des arbres de BOIS-DE-FAY. Il a remarqué déjà les changements d'emplacements des P.C. et des batteries. Le morse, il ne l'utilise jamais, comme les Panzers et tous les engins qui possèdent un émetteur-récepteur et que j'entends souvent, mais sans comprendre.
J'entends le pilote du coucou aussi fort que si j'étais assis à côté de lui. Et je le suis avec la même facilité sur son parcours que lorsqu'il me survole.
J'appelle l'officier de police. Il prend les écouteurs et me traduit simultanément tout ce que l'aviateur dit, et ce que ceux qu'il a appelés lui répondent. Nous sommes étonnés et sûrs maintenant que ce pilote, très habile pour piloter son avion, en venant fouiner partout où on préfèrerait ne pas le voir, a en même temps tout pouvoir pour ordonner et diriger sur leur cible ou leurs objectifs, les attaques des Panzers en plein combat, ou pour déclencher les tirs des batteries de tous calibres en assurant l'efficacité parfaite de leurs tirs, ou encore pour appeler et guider les Stukas ou les avions de chasse.
Incroyable cette capacité de pouvoir faire tant de choses à la fois et avec cette précision diabolique. Et il y a des caméras qu'il possède sous le fuselage de son avion, et qui filment en permanence ce que le pilote n'a pas vu. Le soir, les films développés indiquent avec précision les objectifs du pilote dès le matin.
Je demande alors à l'officier de police : Pouvons-nous tirer profit de cette découverte de la longueur d'onde du coucou, comme celles des chars ou des régiments allemands que j'entendais si je les cherchais.
Il me répond : si nous voulons faire la causette avec le pilote, il nous entendrait comme si nous étions assis à côté de lui. Mais avec son radio-goniomètre, après un petit tour autour de nous, il nous ferait détruire avec précision que vous savez. D'autre part, il est impossible de prévenir ceux qui sont donnés pour objectif, car les obus, vous avez vu, ou les bombes d'avion, ou les chars ennemis sont sur l'objectif, quelque brèves minutes après l'appel fait par l'aviateur. Il n'y a qu'une chose à faire : le descendre. Les moyens en étaient prévus, mais nous n'en possédions pas.
Durant les trois premiers jours que j'ai passés à STONNE, je n'ai pas spécialement remarqué ce type d'avion, parmi les centaines qui nous survolaient. Je venais de faire connaissance avec lui.
J'apprends que le Général HUNTZIGER de notre 2ème Armée, a quitté SENUC pour le FORT DE LANDRECOURT, le 14 mai, à 50 kilomètres de SEDAN.

VENDREDI 17 MAI

Le Colonel du 67° fait appeler l'observateur d'artillerie du 3° Groupe du 42. Celui-ci vient me chercher et nous installe à la côte 276 au-dessus de TANNAY, et face aux Allemands qui sont sur l'autre rive du canal des Ardennes. En-dessous de nous, il y a le 51° et le 91° d'infanterie, et la 6° Division Coloniale qui vient d'arriver.
Nous surveillons et ordonnons des tirs d'artillerie sur les Allemands qui ont réussi à passer le pont sur le canal. Le Génie l'avait pourtant fait sauter la veille, mais si le tablier du pont s'est élevé, il est retombé intact, exactement comme il n'aurait pas fallu, sur ses deux piles. La bataille se déroule comme à STONNE, et l'ennemi prend l'avantage. Nos chars qui viennent du CHESNE repoussent une première fois les attaquants de l'autre côté du canal et démolissent complètement ce pont à coup de 75.
Un second assaut allemand revient sut TANNAY et vers l'ouest du MONT-DIEU. Très aidés par leur artillerie, les Allemands s'installent dans TANNAY même, et cesera définitif. Ils poussent des pointes vers nous, à cette côte 276 où nous sommes et qu'ils voudraient bien conquérir.
Vers 18 heures, nous abandonnons notre site d'observation. Même départ précipité que deux jours plus tôt, à notre départ des hauteurs de STONNE.
Au soir de ce vendredi 17 mai, on m'a ramené au bois du Fay.
Au P.C., on m'informe que, durant la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mai, les chars de la Xème Panzer et le Gross-Deutschland ont été rappelés pour rejoindre GUDERIAN, dans la "Ruée vers la mer".
D'autre divisions fraîchement arrivées d'Allemagne, ont pris leur place, elles se montrent aussi combatives.
De l'autre côté du canal, l'ennemi a pris des péniches abandonnées sur le canal pour les couler et en faire des ponts. Les Allemands ont fait baisser l'eau pour que leurs ponts soient plus stables sur le fond du canal. Les autres nouvelles que je glane, c'est que personne, chez les français comme chez les Allemands, ne veut plus séjourner dans STONNE. C'est maintenant un village maudit, complètement en ruines, où la hauteur des ruines elles-mêmes s'amenuise chaque jour.
Avec des ruines, on pourrait encore s'improviser un petit abri.
Mais STONNE est devenu un cimetière d'engins modernes, résidus des inventions guerrières de tous pays. des morts aussi, très nombreux, des deux Armées qui s'y sont combattues avec tant d'acharnement, y pourrissent.
Cette odeur est insupportable.
Maintenant, chaque armée ne fait plus que prendre ce passage obligé... pour aller combattre ailleurs son ennemi. STONNE est devenu le déversoir d'obus de toute les batteries d'artillerie du secteur, qui se combattent. Les attaques constantes de STONNE par les Stukas, en font un Enfer. A aprtir de ce jour, je ne reverrai plus l'observateur.
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par avz94 2007-12-15, 17:37

DIMANCHE 19 MAI

Tout ce qui reste de la 3ème D.C.R., se retire peu à peu des combats. On remorque ou on dépanne les engins qui sont sur notre secteur.
Quand, dans quelques jours, le jeudi 23 mai, le choc voulu comme définitif par les allemands contre nos positions, le Colonel BUISSON nous enverra ceux des chars qui à cette date seront en état de combattre... Les vrais motorisés de la division, se serrèrent pour accueillir le plus de fantassins possible. Puis ils ont combattu jusqu'au Camp de Mourmelon, 30 kilomètres, et puis encore toute la retraite, jusqu'où ils ont encore pu marcher.
Courageux fantassins de notre 3ème D.I.M, les plus mal lotis de notre Division "motorisée"...

LUNDI 20 MAI

Pour cette date , unsérieux ralenti se remarque dans les attaques allemandes (ils préparent leur grande attaque du 23 mai). D'ailleurs un officier Allemand qui sera fait prisonnier ce jour là, portera sur lui, le plan de l'attaque qui devait les mener, par dessus-nous, vers VOUZIERS, VERDUN, jusqu'à PARIS.

MERCREDI 22 MAI

Vers 9 heures, l'officier des Transmissions du Colonel MORILLE du 42°, vient me chercher et m'amène au centre de SY, au P.C. du 242°, pour assurer une liaison radio directe entre les deux P.C., en prévision des combats du lendemain.
Nous construisons d'abord, à 30 mètres de ce nouveau P.C., notre abri-couvert. Puis, je vais revoir, dans leur P.C. mes camarades radios et téléphonistes que j'avais connus, en 1936 et 1937, à laon.
Le Colonel THOMAS et le Capitaine DUGRAVOT me font venir dans leur P.C. On reparle tout de suite du bombardement des Stukas que nous avion subi, le 13 mai, à LA BERLIERE. Apprenant que j'étais ordonné Prêtre depuis Pâques, le Colonel me fit remarquer que, demain jeudi 23 mai, c'était la Fête du Saint-Sacrement : "Voulez-vous venir dire la messe, ici, demain, dans mon P.C. ?".
C'est d'accord pour 11 heures.

JEUDI 23 MAI

Ce sera la date de la Grande attaque allemande, annoncée par le Capitaine de HAUTECLOQUE qui venait de traverser le 20 mai leurs préparatifs, et il avait entendu qu'elle devrait avoir lieu à 3 heures du matin, ce 23 mai.
A 2h30 du matin, c'est notre artillerie toute entière, qui se trouve autour de SY, et l'artillerie de la 3ème D.C.R. des PETITES-ARMOISES, où elle est positionnée, qui pilonnent ensemble, pendant trois quarts d'heure les positions de départ connues de l'attaque allemande, pour désorganiser et mettre leur moral à bas. En réponse, l'artillerie allemande envoie sur nos positions les 30 000 obus qu'elle avait préparés pour l'attaque. Ce 23 mai, c'était justement le jour prévu depuis longtemps, de la relève (pour qu'ils partent enfin au repos) de nos trois Régiments d'Infanterie. Mais tous, prévenus de l'offensive préparée par les allemands pour cette date-là, ceux de la 6ème Division Coloniale, ceux de la 3ème D.I.M. et les éléments de la 35ème D.I. qui étaient déjà arrivés, avaient convenu de supporter tous ensemble cette attaque. Dommage pour ceux qui devaient partir au repos, et qui peut-être allaient mourir ou être blessés au cours de ces 24 heures.
Moi, auprès du P.C. du 242 à SY, j'étais debout près de mon abri-couvert, préparant mes affaires pour la messe de 11 heures. Arrive alors, tiré de la direction de TANNAY, un obus de gros calibre. C'est son souffle qui me fait précipiter vers notre abri. L'obus explose à quelque mètres derrière moi. Le souffle de l'explosion m'étale à plat-ventre au fond du gourbi, près du poste de radio et aux pieds de mon copain. Mon casque qui s'est envolé à été transpercé par un éclat, un autre éclat m'a volé le bas de ma capote.
Revenu de mon émotion, je me demande si, sous la bataille déchaînée on va dire la messe quand-même. Je pars vers le P.C. du Colonel Thomas... Mais arrivé à 10 mètres sur le trottoir d'en face, deux Stukas passent au ras du sol et de 4 bombes rasent la ferme qui servait de P.C. au 242°. D'un plat ventre dans le ruisseau, je me relève sain et sauf. Dans le P.C. complètement détruit, mes camarades qu'hier j'étais venu revoir sont tous morts et les décombres de la ferme les recouvrent. Le Colonel THOMAS et le Capitaine DUGRAVOT étaient, heureusement pour eux, absents de leur P.C., étant partis vers leurs batteries pour voir comment elles se comportaient après ce déluge d'obus allemands.

Je fais quelques centaines de mètres, vers les batteries du 2° Groupe du 42°, et un peu plus loin vers le 5° groupe du 242°, pour tenter de rencontrer le Colonel THOMAS, et lui annoncer la totale destruction de son P.C. Mais je vois que les chars et les Allemands sont entrés par la forêt du MONT-DIEU jusqu'au bois du FAY. Ils ont attaqué les GRANDES-ARMOISES et se sont avancés jusqu'à la BERLIERE, OCHES et SOMMEHAUTE.
Je vois les 75 du 2° Groupe du 42° tirer en anti-char. Même attaque contre les 105 du 5° Groupe du 242°. Je savais que le P.C. du 67° avait quitté ce bois du FAY depuis l'arrivée ce ceux qui venaient pour relever notre infanterie de la 3ème Division.
Repoussés, les combattants ennemis rentrèrent vers leurs positions de départ. Ils ne s'attendaient pas à une pareille résistance, à une telle pugnacité des divisions qui s'étaient donné la main pour combattre ensemble.
La liaison 242-42 que je réalisait n'a plus de but. Dans la soirée de ce jour du 23 mai, la grande déception des allemands, fut marquée par un gros coup de colère; il rasèrent, en une heure la belle forêt du FAY, là où j'étais encore deux jours plus tôt.

DIMANCHE 26 MAI

Je passe la nuit à VERRIERE, dans la boue, après l'orage.
Dans la nuit du 25 au 26 mai, les régiments d'infanterie de la 3ème Division partent à pied pour le repos dans la forêt d'ARGONNE, en portant leur bardas, sur 50 kilomètres.
Toute l'artillerie de la 3ème division restera dans le secteur de SY pour aider les divisions de la relève. Elle restera sous le regard indiscret du coucou qui ne manque aucune occasion de nous nuire.
Les trois divisions de relève ont tous leurs moyen de transmissions; les radio de notre division, nous nous retrouverons à BRIEULLES-SUR-BAR. Notre vilain coucou réussira à faire sauter, à 30 mètre derrière nous, un dépot de dynamite de 40 kilogrammes, avec les sapeurs du Génie qui y fabriquaient des mines antichars. Un seul obus l'avait touché. Le coucou était là.
Notre artillerie nous reprendra en passant, le 19 juin, appelée à faire face aux PanzerDivision de GUDERIAN qui reviennent du Nord Pas-de-Calais et vont passer l'Aisne à RETHEL. l'ennemi possède maintenant les hauteurs du MONT-DIEU, de STONNE, et du MONT-DAMION. C'était leur but premier !
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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par mikedonovan 2007-12-16, 10:38

salut avz94,
le témoignage de ce combattant est fantastique, ont suit son parcours au jour le jour, avz94 continue et merci. TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.) 0020

à plus mike. Smile
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Message par Tobrouk 2007-12-17, 00:43

Je ne peux me joindre qu'à Mike pour te féliciter et te remercier pour tes posts!

Merci!

amitiés TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.) Puss-in- TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.) Puss-in-

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Europe Re: TEMOIGNAGE DE LUCIEN B... (radiographiste au 42° R.A.D.T.)

Message par ROCO 2007-12-17, 20:54

bon récit sur les durs combats de stone
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