La Bataille de France
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"Le 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique"

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Europe "Le 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique"

Message par EDriant 2008-03-30, 11:22

C'est le titre provocateur du livre de Jacques Belle (éditions Economica) que je lis en ce moment, et qui fait écho au titre de l'excellent "En mai 1940, fallait-il entrer en Belgique" du général Bruno Chaix.
Le 15 mai 1940, après les déboires que l'on sait sur la Meuse, Gamelin, qui sembla voir clair dans le jeu allemand, suggéra une vaste contre-attaque sur les flancs de la brèche créée par l'avancée des Panzers.
La thèse du livre est que l'application de cette suggestion, qui aurait dû être un ordre, avec l'essentiel des moyens disponibles, avec maintien de la Ière armée, du BEF et de l'armée belge sur la ligne de la Dyle, aurait pu permettre de bloquer la progression des Panzers et de retourner le sort des armes.
Personnellement, je n'ai pas été du tout convaincu. Le livre, pourtant, énonce un certain nombre de vérités qui valent d'être rappelées, comme le fait que l'armée française n'était pas particulièrement mieux préparée à la guerre en 1914 qu'elle ne l'était en 1940 (plan XVII inadapté, doctrines d'assaut complètement dépassées, absence d'artillerie lourde, insuffisance et mauvais emplois des mitrailleuses...) et c'est en grande partie la personnalité et le caractère de Joffre qui permirent le "miracle de la Marne", tandis que l'absence de caractère de Gamelin justement ne permit aucun miracle en 1940.
Mais dans l'ensemble, l'auteur évolue à mon sens dans un virtuel situé à des années lumière des possibilités réelles du moment considéré: il additionne les chars encore valides au Nord et au Sud de la brèche, nous les décrit se regroupant comme par miracle en changeant au passage de doctrine et d'organisation, et cheminant d'un point à l'autre de la carte en coupant toutes les lignes de communication encombrées, les routes engorgées, sous l'oeil de la Luftwaffe...le tout en 48 heures. Il nous explique que les moyens restants de l'Armée de l'Air et de la RAF nous auraient permis de disposer d'une supériorité temporaire aux points d'impact, et que sous le choc de la contre-attaque, les allemands auraient probablement prolongé le Halt Befehl du 17 mai. Dès lors, nous entrions dans une guerre longue qui tournait à notre avantage...

Il convient de rappeler ici quelques éléments de base:

* La Blietzkrieg ne pouvait pas déboucher sur une guerre longue, la concentration extrême des chars et avions d'assaut ne permettant pas une lutte prolongée: c'est la percée ou l'anéantissement mais il ne pouvait pas y avoir de guerre longue en rase campagne en France en 1940. Il n'y en eut nulle part d'ailleurs, sauf en Russie à cause des conditions climatiques et des distances. C'est bien pour cela qu'il était vital de ne pas être en retard dans l'effort de réarmement!

* Les chars français n'étaient pas faits pour le tournoi blindé: très majoritairement lents, peu fiables, d'une autonomie dérisoire, démunis de moyens modernes de communication, manoeuvrés par des équipages trop réduits et équipés pour la plupart de canons inefficaces contre les blindages...En admettant que les généraux parviennent à changer la doctrine d'emploi des chars en 48 heures le 15 mai 1940, ils ne pouvaient certes pas changer leurs caractéristiques techniques!

* Le 15 mai 1940, l'Etat-Major ne savait pas de façon certaine si la direction des Panzers était Paris, la Manche ou la frontière Suisse; La préoccupation légitime à ce moment-là est d'essayer de couvrir Paris (qui aurait probablement pu être facilement pris par les Allemands avant fin mai s'ils avaient choisi cette option).

On peut aussi objecter que le maintien des troupes sur la Dyle alors que l'ennemi est dans leur dos, s'il présentait l'avantage de rendre le CC de Prioux en principe disponible, était difficilement envisageable tant était grand le risque final de perdre la totalité des troupes (notamment perte totale du BEF en cas d'échec de la contre-attaque).

Et puis il y a aussi dans le livre quelques contre vérités pénibles:

* sa conclusion: "l'armée française n'était en mai-juin 40, en matière d'armement et d'équipement, ni moins moderne ni moins motorisée que l'armée allemande (...) la dispersion des moyens, qui étaient le plus souvent suffisants comportait en soi la certitude de l'échec" alors que dans le même temps, les tableaux très complets et très intéressants présentés par le livre démontrent l'exact contraire: infériorité criante au 10 mai dans les domaines aérien, anti-aérien et anti-char, supériorité de près de 2 contre 1 des Allemands en matière de chars ayant un armement apte au combat anti-char; si l'on y ajoute la supériorité technique des avions et chars allemands pour le type de guerre qui fut pratiqué, comment peut-on affirmer que les soldats allemands et français bénéficièrent globalement des mêmes moyens?

* les louanges exagérées de l'auteur pour l'action des britanniques. Leur marine et leur aviation firent certes ce qu'ils purent avec ce qu'ils avaient et le soldat britannique fut, comme toujours et partout, brave et valeureux. Mais comment se fait-il qu'en mai 1940, sur le théâtre d'opérations principal et 9 mois après la déclaration de guerre incitée par la Grande-Bretagne, la France aligne 100 divisions là où l'allié britannique en propose 10? (moitié moins que les Belges!)! Pourquoi les excellentes divisions australiennes, néo-zélandaises, sud-africaines qui feront la décision en Afrique étaient-elles gardées en réserve? Au cours du premier conflit mondial, où la montée en puissance des forces britanniques fut notoirement lente, il y avait 9 mois après le déclenchement des hostilités plus de 20 divisions britanniques engagées. Pourquoi moins de la moitié en 1940?
Je pense donc nécessaire de modérer les louanges vis à vis de notre allié et de ses efforts réels concernant la campagne de 1940.

En conclusion, je ne regrette pas l'achat du livre, qui vaut pour les éléments de la bataille qu'il rappelle et détaille et la qualité des tableaux en annexe. La thèse défendue est quant à elle des plus fumeuses.

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Europe Re: "Le 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique"

Message par capablanca 2024-05-10, 15:11

Je dirais surtout que c'est l'intervention en Belgique qui a été une grosse erreur car l'armée française était une armée préparé pour une guerre de position et non de mouvement et de rencontre . Si l'armée française était resté sur ses positions en France avec des réserves à l'arrière pour intervenir rapidement , le sort des armes aurait peut être été différent   Neutral
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