LA DESTRUCTION D'UN PONT FERROVIAIRE SOUS L'OCCUPATION
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LA DESTRUCTION D'UN PONT FERROVIAIRE SOUS L'OCCUPATION
Je vous fias parvenir un texte d'un FFI qui était avec mon grand père (SAS) dans forêt de Quénécan.
Amicalement Capa
DEBUT JUILLET 1944
Depuis plusieurs semaines, la section vit au jour le jour, sous les frondaisons de la "forêt de Quénécan où nous sommes en quelque sorte, en "cantonnement-bivouac", une partie des hommes logeant dans la Chapelle Saint-Marc, l'autre sous la tente. Les lits sont uniformément constitués de plants de fougères et. de foin. Quant à la cuisine, c'est Hermann, le prisonnier allemand, qui s'en occupe.
Il y a là une douzaine de jeunes gens venus de tous les milieux : ouvriers, paysans, étudiants, commerçants- Pourquoi ? Pour trouver l'air des camps, la fortune des armes, tout simplement, sans doute, pour la joie d'aller se battre, contre l'ennemi détesté, avec la chance de libérer le pays.
En Normandie ou en est la situation ?..,
On sait que les Américains consolident leur tête de pont, mais aussi, qu'ils marquent un temps d'arrêt dans le bocage. C'est la guerre des haies, lente et coûteuse. L'opération "Cobra", prélude de la percée d'AVRANCHES, ne sera déclenchée que le 25 Juillet.
Plus près de nous, c'est la répression sauvage. Après la bataille de SAINT-MARCEL, la F.A.T. (1) porte des coups terribles aux Résistants, aux FFI, aux parachutistes et à ceux qui les aident. Cependant chacun de nous garde au fond" du coeur, l'espoir d'une libération prochaine.
Un matin Yvon, notre chef de section de son vrai nom RAILLAT, nous annonce qu'un important sabotage est envisagé sur le pont de Saint-Caradec (de la Chapelle Saint Marc au pont, il y a 14 kms à vol d'oiseau), près du bourg de Saint Gérand. C'est sur cet ouvrage que la ligne de chemin de fer Nord Sud - SAINT BRIEUC - AURAY franchit le canal de NANTES à BREST qui s'incurve
alors nettement vers l'Est, en direction de Rohan... Nos deux parachutistes largués dans la forêt de Duault (Côtes d'Armor) dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, Olivier et Guéguen, habillés en civil et munis de faux papiers, sont allés, il y a quelques jours, en reconnaissance sur les lieux. Sous des apparences trompeuses de pêcheurs à la ligne, ils ont pu à loisir, flâner sur le pont et évaluer les moyens nécessaires à sa destruction.
7 JUILLET
Yvon nous réunit pour nous annoncer que les saboteurs, partiront ce soir, à la nuit tombée. Plastiquer des pylônes électriques, c'était pour nous monnaie courante, mais faire sauter un pont, ce n'est pas rien ! c'est autrement plus important ! c'est pourquoi, cette nouvelle est accueillie dans l'enthousiasme. Seuls les garçons désignés pour garder le camp, font grise mine.
Peu avant le départ, Yvon m'interpelle "dis donc "STEWARD" mon nom de guerre, tu as de la famille du côté de KERGRIST, tu dois connaître les lieux, tu marcheras devant comme éclaireur et comme guide". Ainsi fut fait. A la nuit tombée un petit groupe; de onze hommes « quitte la forêt en file indienne, en suivant la route qui va des Forges des Salles à NEULLIAC.
Voici le hameau du Corboulo, un temps d'arrêt chez Monsieur TEXIER le forgeron du village, pour emprunter plusieurs outils notamment de grosses clefs, tenailles, scies et marteaux. Peu avant le Stumo, à l'endroit où les talus qui bordent la route sont plantés de grands arbres, s'ouvre sur la gauche un chemin de terre que nous empruntons, ce qui nous permet de franchir le Blavet, à 1*écluse de Boloré, Il nous faut maintenant remonter du fond de la vallée, par sentiers et chemins aux pentes raides, mais les gars sont toujours pleins d'entrain et l'allure reste rapide et soutenue. Les hameaux de PEN-POULO et de SAINT SAMSON sont dépassés, puis c'est la grande route PONTIVY - MUR DE BRETAGNE, que nous traversons, non loin de la célèbre côte du Roduel, pour prendre la direction de KERGRIST. Peu après, de violentes détonations, toutes proches, nous jettent au fossé pour quelques secondes. Nous saurons plus tard, qu'il s'agissait de pylônes électriques qui sautaient, plastiqués par d'autres FFI du bataillon. Le bourg est traversé sans incident. Encore deux ou trois kilomètres, quelques fermes apparaissent de part et d'autre de la route, en même temps que se profile sur notre droite la Chapelle de Saint Mèrec.
Les armes, les munitions, les explosifs, les outils, commencent à peser lourd sur le dos et les épaules. Une petite pause casse-croûte serait la bienvenue pour les gars du»'corps expéditionnaire'! Nous frappons à la porte de Monsieur et Madame PONER, qui nous accueillent avec chaleur et nous offrent largement, de quoi nous restaurer.
Néanmoins, cette maison est trop près de la route, et nous décidons de nous enfoncer plus loin dans la campagne; Après avoir remercié nos hôtes, pour leur charmant accueil, nous reprenons la même route en direction du Poteau . A environ deux kilomètres, s'ouvre sur notre droite un chemin de terre bordé de grands arbres, nous l'empruntons. Bientôt apparaît devant nous une imposante masse noire : c'est le manoir de Berrien. Rapidement mis au courant du but de cette visite nocturne et insolite, Monsieur et Madame STEPHAN, nous offrent l'hospitalité de tout leur coeur, malgré les gros dangers qu'ils courent. Ils acceptent de nous laisser dormir dans les communs et peu après la petite troupe s'installe dans un grenier où chacun se niche dans le foin.
Un tour de garde est organisé. Chaque sentinelle, placée dans le chemin, sera relevée, après deux heures de faction.
Le lendemain 8 Juillet est réservé aux préparatifs, car cette gentilhommière sera aussi notre base de départ
F.F.I. inspectent leurs armes. On a formé deux faisceaux de fusils. Enfoncé dans le canon de l'un d'entre eux, le fanion tricolore du groupe frissonne au vent. Depuis Juin 1940, c'est un emblème séditieux, interdit et qu'on ne voit plus. C'est pour cela, probablement qu'il nous remplit de joie et d'espoir avec ses belles couleurs vives. Sans aucun doute il est aujourd'hui pour nous tous, le plus beau drapeau du monde. _________
Le bruit de notre arrivée, s'est vite répandu dans le voisinage car plusieurs
personnes arrivent, pour nous voir. Elles vont, viennent, discutent, admirent
vivement nos parachutistes, premiers soldats en uniformes tombés du ciel.
Il y a des jeunes, des moins jeunes, des enfants et des anciens qui ont
fait 14-18, et qui comparent armes et équipements avec ceux qu'ils ont
connus, "dans leur temps".
Excités à la pensée de pouvoir faire quelque chose "contre-Eux", certains se présentent comme volontaires pour nous guider, à travers champs, le soir
venu.
Ils sont en effet exacts au rendez-vous, et, nous allons leur faire confiance , en les suivant aveuglément.
Après bien des péripéties faites de chutes et de glissades qui prêtent toujours à rire et à plaisanter, après avoir franchi talus, chemins creux, landes et prairies, nous débouchons à proximité du pont routier, sur la route qui va de Joli-coeur à Saint Caradec.
Notre objectif, le pont de chemin de fer, se situe à environ deux cents mètres en amont. Ces deux ouvrages sont presque parallèles et constitués chacun par -un seul tablier reposant sur deux.massif s .de maçonnerie. Yvon qui nous a rejoints, place des sentinelles, en amont, en aval, sur la voie ferrée, et passe dans les maisons proches de l'objectif pour faire ouvrir portes et fenêtres. Pour ma part, je surveille les abords du pont routier.
Nos deux parachutistes sont déjà à pied d'oeuvre, je les entends frapper, scier, déplacer de lourdes charges. Je n'ai, malheureusement, aucun détail sur la façon dont ils ont procédé. Environ deux heures passent, puis soudain, des rafales de mitraillettes ! L'affaire tourne mal pour les saboteurs pensais-je, c'est sûrement une patrouille allemande ; les copains vont certainement revenir vers moi.
Et puis c'est le silence, j'entends de nouveau aller et venir sur le pont. Fausse alerte sans doute ! Les heures passent puis des bruits de pas, des voix amies, ce sont les gars qui reviennent sans dommage. J'apprends tout de suite, que le travail est fait, et que le pont va sauter, dans quelques minutes. Nous nous sommes accroupis dans le fossé, à l'abri d un petit mamelon boisé, près de la maison FRABOULET. Nous nous attendons à une violente et courte, détonation. Mais non, la déflagration n'est pas brutale et semble se prolonger quelques secondes. Je me souviens, par contre, d'une grande lueur, qui illumine le ciel, d'un écho qui se répercute au loin et d'un grand souffle d'air qui fait bruisser le feuillage, au dessus de nos têtes.
Vraisemblablement l'ouvrage doit être détruit, mais la nuit ne nous permet pas de vérifier les dégâts.
Le jour se lève et suivant nos guides, nous allons» à peu près par le même chemin qu'à l'aller, regagner Berrien»
En cours de route, j'apprends des détails sur l'alerte de la nuit - Ange COETMEUR raconte : "J'étais de garde, près du pont, côté PONTÏVY. J'entends soudain des bruits de pas, et j'aperçois confusément quelques hommes en file indienne, se dirigeant vers moi, en longeant la voie ferrée « Mon coeur bat la chamade, à tout hasard je tire une rafale de mitraillette en l'air. Ils s'arrêtent et je les entends parler français, - quel soulagement ! Le dialogue s'engage : "Qui êtes vous ? où allez vous ?" - "Nous sommes aussi des F.F.I. Qu'est-ce que vous faites là ?" - "On se prépare à faire sauter le pont, et vous ?" - "On voudrait bien le passer" - "Alors grouillez vous les gars pendant qu'il est encore temps !" Heureux dénouement d'un incident qui aurait pu se terminer en tragédie !
Arrivés à notre base de départ, excités par cette escapade nocturne, personne ne songe à dormir. Deux F.F.I. décident palier voir le pont ou ce qu'il en reste. Sans arme, vêtus comme des cultivateurs du coin, ils empruntent deux bicyclettes et s'en vont aux résultats. Deux heures après, ils sont de retour. Comme un détachement de Russes à cheval patrouillait sur les berges, ils n'ont pu s'approcher, comme ils le désiraient. Néanmoins» en traversant le pont routier ils ont pu constater les dégâts. Le tablier coupé net aux deux extrémités, s'est effrondré dans le canal. L'ouvrage est entièrement détruit et la mission accomplie.
Ce récit est sans prétention et comporte des lacunes, mais il s'appuie sur plusieurs témoignages individuels. Les faits sont authentiques, le lecteur y trouvera aussi dé l'animation, des drôleries, du mouvement et du courage.
J'en profite aussi, pour remercier infiniment, tous ceux qui nous ont aidés spontanément, non seulement au cours de cette opération, mais aussi avant et après. Gens de toutes conditions, souvent anonymes, vous nous avez hébergés, ravitaillés, avertis des dangers, souvent soignés, vous avez parfois caché armes et munitions malgré des risques considérables, puisque vous, vous restiez sur place alors que nous, nous avions la possibilité de nous déplacer.
Cinquante ans ont passé, beaucoup d'entre vous ont disparu ; que leurs descendants trouvent ici l'expression de notre gratitude.
Robert MAHE
Amicalement Capa
DEBUT JUILLET 1944
Depuis plusieurs semaines, la section vit au jour le jour, sous les frondaisons de la "forêt de Quénécan où nous sommes en quelque sorte, en "cantonnement-bivouac", une partie des hommes logeant dans la Chapelle Saint-Marc, l'autre sous la tente. Les lits sont uniformément constitués de plants de fougères et. de foin. Quant à la cuisine, c'est Hermann, le prisonnier allemand, qui s'en occupe.
Il y a là une douzaine de jeunes gens venus de tous les milieux : ouvriers, paysans, étudiants, commerçants- Pourquoi ? Pour trouver l'air des camps, la fortune des armes, tout simplement, sans doute, pour la joie d'aller se battre, contre l'ennemi détesté, avec la chance de libérer le pays.
En Normandie ou en est la situation ?..,
On sait que les Américains consolident leur tête de pont, mais aussi, qu'ils marquent un temps d'arrêt dans le bocage. C'est la guerre des haies, lente et coûteuse. L'opération "Cobra", prélude de la percée d'AVRANCHES, ne sera déclenchée que le 25 Juillet.
Plus près de nous, c'est la répression sauvage. Après la bataille de SAINT-MARCEL, la F.A.T. (1) porte des coups terribles aux Résistants, aux FFI, aux parachutistes et à ceux qui les aident. Cependant chacun de nous garde au fond" du coeur, l'espoir d'une libération prochaine.
Un matin Yvon, notre chef de section de son vrai nom RAILLAT, nous annonce qu'un important sabotage est envisagé sur le pont de Saint-Caradec (de la Chapelle Saint Marc au pont, il y a 14 kms à vol d'oiseau), près du bourg de Saint Gérand. C'est sur cet ouvrage que la ligne de chemin de fer Nord Sud - SAINT BRIEUC - AURAY franchit le canal de NANTES à BREST qui s'incurve
alors nettement vers l'Est, en direction de Rohan... Nos deux parachutistes largués dans la forêt de Duault (Côtes d'Armor) dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, Olivier et Guéguen, habillés en civil et munis de faux papiers, sont allés, il y a quelques jours, en reconnaissance sur les lieux. Sous des apparences trompeuses de pêcheurs à la ligne, ils ont pu à loisir, flâner sur le pont et évaluer les moyens nécessaires à sa destruction.
7 JUILLET
Yvon nous réunit pour nous annoncer que les saboteurs, partiront ce soir, à la nuit tombée. Plastiquer des pylônes électriques, c'était pour nous monnaie courante, mais faire sauter un pont, ce n'est pas rien ! c'est autrement plus important ! c'est pourquoi, cette nouvelle est accueillie dans l'enthousiasme. Seuls les garçons désignés pour garder le camp, font grise mine.
Peu avant le départ, Yvon m'interpelle "dis donc "STEWARD" mon nom de guerre, tu as de la famille du côté de KERGRIST, tu dois connaître les lieux, tu marcheras devant comme éclaireur et comme guide". Ainsi fut fait. A la nuit tombée un petit groupe; de onze hommes « quitte la forêt en file indienne, en suivant la route qui va des Forges des Salles à NEULLIAC.
Voici le hameau du Corboulo, un temps d'arrêt chez Monsieur TEXIER le forgeron du village, pour emprunter plusieurs outils notamment de grosses clefs, tenailles, scies et marteaux. Peu avant le Stumo, à l'endroit où les talus qui bordent la route sont plantés de grands arbres, s'ouvre sur la gauche un chemin de terre que nous empruntons, ce qui nous permet de franchir le Blavet, à 1*écluse de Boloré, Il nous faut maintenant remonter du fond de la vallée, par sentiers et chemins aux pentes raides, mais les gars sont toujours pleins d'entrain et l'allure reste rapide et soutenue. Les hameaux de PEN-POULO et de SAINT SAMSON sont dépassés, puis c'est la grande route PONTIVY - MUR DE BRETAGNE, que nous traversons, non loin de la célèbre côte du Roduel, pour prendre la direction de KERGRIST. Peu après, de violentes détonations, toutes proches, nous jettent au fossé pour quelques secondes. Nous saurons plus tard, qu'il s'agissait de pylônes électriques qui sautaient, plastiqués par d'autres FFI du bataillon. Le bourg est traversé sans incident. Encore deux ou trois kilomètres, quelques fermes apparaissent de part et d'autre de la route, en même temps que se profile sur notre droite la Chapelle de Saint Mèrec.
Les armes, les munitions, les explosifs, les outils, commencent à peser lourd sur le dos et les épaules. Une petite pause casse-croûte serait la bienvenue pour les gars du»'corps expéditionnaire'! Nous frappons à la porte de Monsieur et Madame PONER, qui nous accueillent avec chaleur et nous offrent largement, de quoi nous restaurer.
Néanmoins, cette maison est trop près de la route, et nous décidons de nous enfoncer plus loin dans la campagne; Après avoir remercié nos hôtes, pour leur charmant accueil, nous reprenons la même route en direction du Poteau . A environ deux kilomètres, s'ouvre sur notre droite un chemin de terre bordé de grands arbres, nous l'empruntons. Bientôt apparaît devant nous une imposante masse noire : c'est le manoir de Berrien. Rapidement mis au courant du but de cette visite nocturne et insolite, Monsieur et Madame STEPHAN, nous offrent l'hospitalité de tout leur coeur, malgré les gros dangers qu'ils courent. Ils acceptent de nous laisser dormir dans les communs et peu après la petite troupe s'installe dans un grenier où chacun se niche dans le foin.
Un tour de garde est organisé. Chaque sentinelle, placée dans le chemin, sera relevée, après deux heures de faction.
Le lendemain 8 Juillet est réservé aux préparatifs, car cette gentilhommière sera aussi notre base de départ
F.F.I. inspectent leurs armes. On a formé deux faisceaux de fusils. Enfoncé dans le canon de l'un d'entre eux, le fanion tricolore du groupe frissonne au vent. Depuis Juin 1940, c'est un emblème séditieux, interdit et qu'on ne voit plus. C'est pour cela, probablement qu'il nous remplit de joie et d'espoir avec ses belles couleurs vives. Sans aucun doute il est aujourd'hui pour nous tous, le plus beau drapeau du monde. _________
Le bruit de notre arrivée, s'est vite répandu dans le voisinage car plusieurs
personnes arrivent, pour nous voir. Elles vont, viennent, discutent, admirent
vivement nos parachutistes, premiers soldats en uniformes tombés du ciel.
Il y a des jeunes, des moins jeunes, des enfants et des anciens qui ont
fait 14-18, et qui comparent armes et équipements avec ceux qu'ils ont
connus, "dans leur temps".
Excités à la pensée de pouvoir faire quelque chose "contre-Eux", certains se présentent comme volontaires pour nous guider, à travers champs, le soir
venu.
Ils sont en effet exacts au rendez-vous, et, nous allons leur faire confiance , en les suivant aveuglément.
Après bien des péripéties faites de chutes et de glissades qui prêtent toujours à rire et à plaisanter, après avoir franchi talus, chemins creux, landes et prairies, nous débouchons à proximité du pont routier, sur la route qui va de Joli-coeur à Saint Caradec.
Notre objectif, le pont de chemin de fer, se situe à environ deux cents mètres en amont. Ces deux ouvrages sont presque parallèles et constitués chacun par -un seul tablier reposant sur deux.massif s .de maçonnerie. Yvon qui nous a rejoints, place des sentinelles, en amont, en aval, sur la voie ferrée, et passe dans les maisons proches de l'objectif pour faire ouvrir portes et fenêtres. Pour ma part, je surveille les abords du pont routier.
Nos deux parachutistes sont déjà à pied d'oeuvre, je les entends frapper, scier, déplacer de lourdes charges. Je n'ai, malheureusement, aucun détail sur la façon dont ils ont procédé. Environ deux heures passent, puis soudain, des rafales de mitraillettes ! L'affaire tourne mal pour les saboteurs pensais-je, c'est sûrement une patrouille allemande ; les copains vont certainement revenir vers moi.
Et puis c'est le silence, j'entends de nouveau aller et venir sur le pont. Fausse alerte sans doute ! Les heures passent puis des bruits de pas, des voix amies, ce sont les gars qui reviennent sans dommage. J'apprends tout de suite, que le travail est fait, et que le pont va sauter, dans quelques minutes. Nous nous sommes accroupis dans le fossé, à l'abri d un petit mamelon boisé, près de la maison FRABOULET. Nous nous attendons à une violente et courte, détonation. Mais non, la déflagration n'est pas brutale et semble se prolonger quelques secondes. Je me souviens, par contre, d'une grande lueur, qui illumine le ciel, d'un écho qui se répercute au loin et d'un grand souffle d'air qui fait bruisser le feuillage, au dessus de nos têtes.
Vraisemblablement l'ouvrage doit être détruit, mais la nuit ne nous permet pas de vérifier les dégâts.
Le jour se lève et suivant nos guides, nous allons» à peu près par le même chemin qu'à l'aller, regagner Berrien»
En cours de route, j'apprends des détails sur l'alerte de la nuit - Ange COETMEUR raconte : "J'étais de garde, près du pont, côté PONTÏVY. J'entends soudain des bruits de pas, et j'aperçois confusément quelques hommes en file indienne, se dirigeant vers moi, en longeant la voie ferrée « Mon coeur bat la chamade, à tout hasard je tire une rafale de mitraillette en l'air. Ils s'arrêtent et je les entends parler français, - quel soulagement ! Le dialogue s'engage : "Qui êtes vous ? où allez vous ?" - "Nous sommes aussi des F.F.I. Qu'est-ce que vous faites là ?" - "On se prépare à faire sauter le pont, et vous ?" - "On voudrait bien le passer" - "Alors grouillez vous les gars pendant qu'il est encore temps !" Heureux dénouement d'un incident qui aurait pu se terminer en tragédie !
Arrivés à notre base de départ, excités par cette escapade nocturne, personne ne songe à dormir. Deux F.F.I. décident palier voir le pont ou ce qu'il en reste. Sans arme, vêtus comme des cultivateurs du coin, ils empruntent deux bicyclettes et s'en vont aux résultats. Deux heures après, ils sont de retour. Comme un détachement de Russes à cheval patrouillait sur les berges, ils n'ont pu s'approcher, comme ils le désiraient. Néanmoins» en traversant le pont routier ils ont pu constater les dégâts. Le tablier coupé net aux deux extrémités, s'est effrondré dans le canal. L'ouvrage est entièrement détruit et la mission accomplie.
Ce récit est sans prétention et comporte des lacunes, mais il s'appuie sur plusieurs témoignages individuels. Les faits sont authentiques, le lecteur y trouvera aussi dé l'animation, des drôleries, du mouvement et du courage.
J'en profite aussi, pour remercier infiniment, tous ceux qui nous ont aidés spontanément, non seulement au cours de cette opération, mais aussi avant et après. Gens de toutes conditions, souvent anonymes, vous nous avez hébergés, ravitaillés, avertis des dangers, souvent soignés, vous avez parfois caché armes et munitions malgré des risques considérables, puisque vous, vous restiez sur place alors que nous, nous avions la possibilité de nous déplacer.
Cinquante ans ont passé, beaucoup d'entre vous ont disparu ; que leurs descendants trouvent ici l'expression de notre gratitude.
Robert MAHE
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Date d'inscription : 28/12/2006
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